Le yoga de DESIKACHAR
DESIKACHAR, élève de son père KRISHNAMACHARYA
J'enseigne le yoga de DESIKACHAR, appelé aussi Yoga "de Madras".
Les sources de ce yoga :
Pour en parler, voici ci-dessous un extrait de l'article paru dans la revue "les carnets
du yoga" n° 188 en juillet-août 1997, et écrit par Andrée MAMAN, professeur de yoga
à l'E.F.Y. à Paris.
"Le yoga dit de "Desikachar" ou "de Madras" se réclame d'une lignée de guru(s) lui conférant
"quelques particularités.
"La source remonte au 9è siècle de notre ère sous la forme d'un enseignement le "YOGA RAHASYA"
"révélé par un sage, grand yogi, vaishnavite (dévot de Vishnu) né en 823 dans un petit village du sud de
"l'Inde.
"Ce grand yogi s'appelait NATHAMUNI ...et contribua grandement à l'élaboration de la philosophie
"vaishnava qui fut une révolution dans la pensée hindouiste d'alors très idéaliste et rigide...De culture
"traditionnelle védique et musicale classique, il eut un grand rayonnement et fut célèvre pour ses poèmes
"et chants à la gloire du Seigneur.
"Il fut le grand-père de Ramanuja, la plus grande figure de la tradition vishnouite et le premier d'une
"grande lignée de sages. La tradition dit que ce serait avec lui que commencerait la lignée des âchârya
"(maîtres spirituels).
"La légende dit qu'il reçut en songe un enseignement du yoga. Il eut une vision d'un sage d'une époque
"antérieure, nommé NAMALVAR. Il codifia cet enseignement sous le nom de "YOGA RAHASYA"
"(Rahasya signifie secret).
"Ce grand érudit consacra sa vie à l'étude et à la pratique du yoga et aussi à l'enseignement pour ses
"disciples, et enfin à l'adoration du Seigneur Krishna. Il vécut jusqu'à un âge très avancé. Son oeuvre,
"bien qu'écrite en sanskrit a été en partie perdue; néanmoins elle s'est perpétuée grâce à la tradition
"orale.
"Cette tradition s'est transmise de maître à disciple, ainsi qu'il est d'usage en Inde, jusqu'au père de
"Desikachar, Krishnamâcarya. Celui-ci fut une personnalité marquante, grand érudit, sanskritiste yogi
"qui a étudié tous les darshana et aussi la médecine ayur-védique. Il eut dans sa carrière l'honneur d'
"enseigner au maharaja de Mysore à l'époque où les maharajas étaient encore tout-puissants.
"Krishnamâcharya a été l'instructeur privilégié de son fils Désikachar."
Les caractéristiques de ce Yoga
Voici quelques notions très caractéristiques de l’enseignement de Krishnamacharya et de
Désikachar.
1 .- Notion d’adaptabilité : VINIYOGA
La pratique doit être adaptée aux besoins et aux capacités de l’élève, en fonction de l’âge, de la
période de l’année, le moment de la journée, et de la condition physique et psychique.
Ainsi Krishnamacharya préconisait de ne pas faire un yoga dynamisant lorsqu’on doit ensuite aller
se coucher……..
..................MAIS, un de mes professeurs nous précisa que si l'on applique ce principe à la lettre, il y a
certaines postures et certaines pratiques que les élèves d’un cours du soir ne pourraient jamais
aborder comme : kapalabathi, uddyana ou des postures très toniques …….Il conseillait dans ce cas
de terminer, après ces techniques très dynamisantes, par une posture et une respiration langhana,
c’est-à-dire relaxante, et j'ajouterai par un temps de méditation plus long.
Adapter l’asana selon la condition physique, cela veut dire aller moins loin dans la posture, ou bien
changer la position des jambes ou des bras par exemple, lorsque cela est douloureux. Mais faire
attention de garder l’axe principal de la posture.
Et si le besoin s’en fait sentir, prendre plus de temps, dans l’écoute de l’après-posture ou dans le
temps de méditation.
Dans le « Yoga Rahasya »,
il est précisé que c’est la pratique des âsanas et des prânayamas qui doit s’adapter à l’individu et
non pas l’individu à la pratique.
Dans les « Yoga-sutras de Patanjali »,
il est indiqué à l’aphorisme III.6 : « tasya bhûmîshu viniyogah » :
« l’application (viniyoga) de cela (tasya) se fait en fonction des niveaux (bhûmishu) de chacun et
par étapes. »
2.- Notion de synchronicité entre le mouvement du souffle et celui du corps : VINYASA
VINYASA signifie « souffle synchronisé avec le mouvement ». Il s’agit de faire un mouvement sur
chaque temps du souffle :
• à l'INSPIR : mouvement d’ouverture, extension arrière, mouvement d’étirement
vers le haut
• à l'EXPIR : mouvement de flexion avant, latérale ou torsion ou prise de posture
3.- Notion de progression : KRAMA
……que l’on retrouve dans l’aphorisme cité plus haut III.6 : « ……étape par étape. »
• il y a une recherche de progression de la posture :
- avec une phase dynamique pendant laquelle l’asana est répété au moins 3 fois
(en le synchronisant avec le souffle)
………..ceci afin de préparer le corps et permettre la progression de la posture
- Puis une phase de posture en statique , dont les caractéristiques sont :
l’immobilité (pour poser le corps et l’esprit) et la durée (car c’est dans la durée que
tout lâche : 2 à 5 mn jusqu’à 10 mn)
Mais l’âsana peut être pris directement en statique : on l’effectue alors en Krama , à
l’aide du pranayama qui va nous permettre de progresser dans la posture , pour atteindre
une position optimale (mais celle qui nous convient évidemment, pas au-delà de nos limites
corporelles).
• et aussi une recherche de progression de la séance :
Chaque séance est conçue autour d'une posture centrale, avec des postures de
préparation et une ou deux contre-postures, appelées postures de compensation
puisqu'elles servent à supprimer les effets négatifs ou douloureux de la posture centrale, du
moins pour ce qui a été sollicité d’une façon très intense : par exemple, pour le cobra, les effets
très sensibles se feront sentir au niveau des lombaires.
4.- Notion de concentration : BHAVANA
Bhavana veut dire « méditation sur….. » ; on le traduit aussi par « objet de concentration »
Il s’agit de la concentration pendant le travail postural.
Celle-ci peut avoir différents supports : le souffle, la sensation, les énergies qui circulent, les chakras,
ou même un yama ou un niyama (par exemple travailler avec Ahimsa, la notion de non-violence,
ou Satya, être vrai avec soi-même).
La concentration permet ainsi d'apaiser tous les mouvements de la pensée .
Ainsi dans les "Yoga-sutras de Patanjali",
il est dit à l'aphorisme I.32 :
« Pour éliminer cela (la dispersion mentale) , il faut centrer sa pratique (abhyâsa) sur un (eka) seul principe (tattva) à la fois. »
et à l'aphorisme III.1 :
« dhârana (concentration) est la relation d’attention (Bandha) du mental (chitta) à un secteur déterminé (desha).)
5.- Notion d’ARDEUR : TAPAS
L’enseignement de Krishnamacharya et de Désikachar s’appuie également sur les 3 piliers de la
philosophie des "Yoga-sutras de PATANJALI" :
- TAPA : rigueur (effort soutenu sans forcer au-delà de ses limites)
- SVADHAYA : connaissance du Soi (par un processus d’intériorisation)
- ISHVARAPRANIDHANA : abandon au Seigneur
cité à l'aphorisme II.1 : « Le yoga de l’action se pratique selon trois modalités inséparables : un effort
soutenu, la conscience intérieure du Soi et l’abandon au seigneur. »
Cette notion de TAPAS signifie qu’il ne faut pas pratiquer un YOGA TROP MOU : Il faut « chauffer »
le corps (racine TAP)
• pour défaire toutes les tensions et que les énergies plus subtiles (dont la
kundalini) puissent circuler
• et la pratique doit être intense et rigoureuse pour fixer l’esprit
……..cela demande donc des postures toniques et dynamiques.
On retrouve cette notion de « TAPAS » dans les 2 aphorismes ci-après :
............avec les notions suivantes :
- ABHYASA : pratique intense
- VAIRAGYABHYAM : détachement intérieur
Aphorisme I.12 : « L’arrêt des pensées automatiques s’obtient par une pratique intense dans
un esprit de lâcher-prise. »
….........ainsi que :
- STHIRA : fermeté, rigueur
- SUKHA : bonheur et lâcher prise
Aphorisme II.46 : « L’asana doit être fermement établi dans un espace heureux. »
traduction de Gérard Blitz.
En conclusion,
Je dirais qu'il ne faut quand même pas faire l'impasse sur le LACHER PRISE,
car c'est une notion qui va de pair avec EFFORT SOUTENU.
Lâcher prise ne veut pas dire tout lâcher.
..................il signifie lâcher les contractions inutiles pour être dans le juste effort,
au niveau physique
lâcher les pensées et les émotions, pour être dans un détachement
intérieur au niveau du mental,
lâcher toute intention de faire pour s'abandonner à ce qui est, dans
une dimension plus spirituelle,
et qui est la 3è modalité de la pratique du yoga (Ishvara
Pranidhana, l'abandon au Seigneur)
Voir aussi : "Krishnamacharya"
"L'objectif du yoga"
BIBLIOGRAPHIE :
- "Les yoga-sutras de Patanjali", traduction de Françoise Mazet
- "Yogarahasya" de Sri Rathamuni
- "YOGA, entretiens sur la théorie et la pratique" de TKV Désikachar
Commentaires
-
- 1. Muriel Le 19/02/2018
Merci Alice pour votre sympathique message.
Bon chemin à vous sur Genève.
Namasté -
- 2. Alice Ripoll Le 12/02/2018
Chère Muriel, je découvre avec joie votre blog inspirant, étant moi-même (nouvelle) professeure de yoga de cette lignée à Genève!
Au plaisir de lire vos prochains articles,
Namasté et très belle journée à vous.
Alice Ripoll -
- 3. Pierre TURPIN Le 02/03/2016
C'est magnifique ! -
- 4. Dominique Le 02/03/2011
"Pour être fidèle à qui on est, il faut porter notre esprit comme une chandelle
au milieu de notre noirceur" Mark Nepo
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